A force de rendre hommage aux disparus, je vais passer pour le Jean-Claude Brialy de Fotoloco. Mais il me semblait utile de rapler la mémoire du photographe sud-africain David Goldblatt, décédé hier à l’âge de 87 ans. Il venait d’exposer au Centre Pompidoux à Paris.

Né en 1930 dans une famille juive d’origine lituanienne, il débute dès 1948 comme photographe de presse. Ses premiers clichés témoignent de la mise en place des  nouveaux panneaux annonçant la ségrégation.

Il n’aura de cesse, dès lors, de témoigner de cette situation, mais de manière subtile, s’intéressant plus à la vie quotidienne qu’aux témoignages sanglants ou spectaculaires de manifestations. Le fait qu’il soit blanc lui a permis de passer entre les gouttes du régime sud-africain, et de ne pas subir la censure. Son usage du n&b, travaillé est voulu: «la couleur me semblait trop sucrée pour les choses terribles qui se passaient, je ne voulais pas édulcorer».

D’un côté, on a le monde des blancs, comfortable et superficiel :

 

Et de l’autre un regard empathique sur la condition des noirs:

 

Après un bref passage à la couleur, signe d’espérance après la liberation de Mandela, il reviendra d’ailleurs au n&b, après les désillusions de l’après-apartheid. On lui reprochera alors de ne pas prendre vraiment position, mais à cela il répondra: 

« J’ai toujours été convaincu que, quelles que soient ses idées, le photographe, comme le journaliste, doit observer et retranscrire sans passion plutôt qu’avec l’engagement de l’activiste […] Je pense que j’ai été et que je suis peut-être encore critiqué pour ce qui peut ressembler à un manque d’engagement ou de clarté sur des sujets controversés. Ce qui est triste, mais si tel est le prix à payer pour tenter de saisir la complexité qu’il en soit ainsi »…

C’est ce qui transparaît dans ses clichés pleins de force, mais aussi de subtilité.

Sa position pourrait se résumer aussi simplement que cela : il n’y a pas les méchants d’un coté et les bons de l’autre. Mais des individus façonnés par leur milieu social, par l’Histoire et la nature dans laquelle ils ont grandi. 

 

Pour prolonger:

https://information.tv5monde.com/afrique/afrique-du-sud-deces-du-photographe-david-goldblatt-245803