Le moro-sphinx venait de loin, fatigué de ce long périple à travers les méandres de l'Auzette, butinant au détour des bosquets en un rythme soutenu. La cadence des sorties était devenue infernale avec les nouvelles consignes du gouvernement central. Depuis la crise financière, le travail ardu était de rigueur. Le moro-sphinx battait des ailes frénétiquement, il avait du mal à se positionner sur le pistil, il sentait ses forces l'abandonner. Il n'osait imaginer le retour, mais il gardait espoir, sachant que d'autres étaient au chômage, ce qu'il faisait malgré le harassement qu'il ressentait, la beauté de ces dames fleuries l'enchantait chaque matin lorsqu'il les survolait, inhalant leur senteur, cela le revigorait. Alors, ses battements devenaient plus fluides et il remettait son ouvrage cent fois sur le métier. Et, il pensait toujours à son amie l'abeille qui est morte d'épuisement et qui à son dernier souffle eut encore la force de prononcer cette phrase : "Elle n'est pas belle la vie". Pour elle, il continuait, en gardant intact son souvenir au plus profond de son âme de moro-sphinx...